29 décembre 2008

By by 2008 y Viva la Vida y la Revolucion !



Quelques bribes de réflexions sur « La Crise » et sur l'Afrique vue du point de vue d'occidentaux égarés sur la "rive gauche" du fleuve Sénégal!

Faut il se réjouir de la crise du Système capitaliste ?

Pour des gens qui – comme nous – rêvent d' « autres Mondes possibles », nécessairement en dehors du système capitaliste, l'annonce d'une « crise gravissime » du système financier international (plus grave que la crise de 1929...soulignent les spécialistes) semblait une bonne nouvelle.
Pourtant il a fallu déchanter : cette crise n'est pour beaucoup qu' « une crise parmi d'autres » du système capitaliste (cf l'interview d'Annie Lacroix Riz, publiée sur le site d'Investig'action)

Cependant, vue d'ici, et si l'on en croit France Inter, la crise semble concerner beaucoup plus la population française...que la population sénégalaise!
Comment l'expliquer ?

Les Paradoxes du continent africain


La faillite de "l'Afrique officielle"...pour reprendre l'expression de Serge Latouche, peut s'énoncer ainsi .« Aujourd'hui...la part de l'Afrique noire dans la production mondiale représenterait moins de 2%. Autant dire que sur le plan de l'économie officielle, cette Afrique là, celle de l'économie et des statistiques internationales, n'existe plus...A t-elle même jamais existé? L'image de l'Afrique que nous présentent les médias, à travers les informations, le spectacle télévisé des génocides, des conflits « ethniques », des guerres « civiles », des luttes « tribales », des coups d'Etat militaires, des sécheresses récurrentes, des famines quasi endémiques, de la démographie galopante, des pandémies (spectre du Sida) est à l'aune des chiffres et enforce leur aridité objective... » ( L'autre Afrique - Albin Michel 1998 p 11)

En effet, malgré les manipulations fréquentes des statistiques (cf L'Afrique à l'aune du développement virtuel ), les « résultats du développement » en chiffres officiels sont catastrophiques :
... le Rapport mondial sur le développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), par exemple, fait ressortir pour l'année 1997 que «... sur les 50 pays les plus pauvres du monde, 33 sont situés en Afrique subsaharienne. 45 % de sa population, soit 266 millions d’habitants sur 590 millions, souffrent de pauvreté. (...) L’acuité de cette pauvreté y est plus prononcée que partout ailleurs.»
Il apparaît également - selon Christian de Brie (article cité ci dessus) - que «...la situation ne fait que s’aggraver : la proportion des pauvres a augmenté et les personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour sont passées de 179 millions en 1987 à 218 millions en 1993, soit 85 % de la population en Zambie, 72 % à Madagascar, 65 % en Angola, 61 % au Niger, 50 % en Ouganda... Entre 1981 et 1989, on a enregistré en Afrique subsaharienne une baisse cumulée de 21 % du PNB réel par habitant. Ce recul a touché à la fois les pays ayant entrepris des ajustements structurels et les autres (...). Les reculs les plus graves ont été observés au Gabon (58 %), au Nigeria (50 %), en Côte-d’Ivoire (42 %) (...). Même dans les années 90, près de 32 % des personnes vivant dans la région ne devraient pas atteindre l’âge de quarante ans... On y compte un médecin pour 18 000 habitants (contre un pour 350 dans les pays industrialisés), les deux tiers des 23 millions de séropositifs, et le virus du Sida y progresse plus rapidement que partout ailleurs; moins d’une personne sur deux y dispose d’eau potable, une sur deux n’a pas accès aux services de santé, la production alimentaire par habitant a régressé depuis 1980, la population illettrée est passée de 125,9 millions en 1980 à 140,5 millions en 1995, etc.
NB : Le rapport annuel 2008 du PNUD ne devrait pas, semble t-il, voir la tendance s'inverser (pour les férus de chiffres : cliquer ici )

Premier paradoxe : L'Afrique est un rouage essentiel de la mondialisation

Anne-Cécile Robert énonce ainsi le Paradoxe propre au continent noir : « ...victime de la mondialisation, il n'en demeure pas moins un de ses éléments importants. Le continent sert notamment de réserves de matières premières dont le libre échange permet le pillage officiel par le jeu de l'ouverture imposée des économies... »(L'Afrique au secours de l'Occident - Ed de l'atelier- 2006).

En bref, la « mondialisation » fonctionne – aujourd'hui comme hier - parce que les grandes puissances occidentales peuvent importer à bon marché des matières premières indispensables pour faire tourner leurs économies. Et comme le dit très justement l' historien congolais Elikia M'Bokolo « ...Les grands pays sont des pays importateurs de matières premières.Les pays africains sont les mondialisés...mais il faut savoir que, si l'Afrique n'était pas là, la mondialisation ne fonctionnerait pas... »

En ces temps de crise, l'Afrique peut elle "secourir" l'Occident ?

...pour paraphraser Anne Cecile Robert – journaliste au Monde Diplomatique – qui a publié en 2006 un essai au titre « apparemment » provocateur L'Afrique au secours de l'Occident dont voici quelques extraits de l'introduction:
« ...Il y eut - et il y a - les organisations non gouvernementales (ONG) qui travaillent sur le terrain dans de multiples projets de développement, et d’assistance économique, sanitaire et sociale. Un bilan de leur action reste à faire, notamment du rôle qu’elles jouent dans le « monde mondialisé » où tout est instrumenté .

Il y eut - et il y a - les « africanophiles » « antidéveloppementistes » qui pensent qu’il faut précisément sortir d’une logique d’aide qui ne serait que la perpétuation de la domination historique. Le soutien provient en effet toujours des mêmes. « La main qui reçoit l’aide est toujours en dessous de celle qui la donne » aime ainsi à rappeler l’économiste français Serge Latouche. L’assistance ne serait alors que le nouvel habit de l’arrogance occidentale qui invente les maladies et leurs remèdes, fait les questions et les réponses. Chaque peuple doit trouver la voie qui est la sienne dans l’histoire ; les peuples d’Afrique comme les autres.

Le point commun des deux dernières catégories réside dans la reconnaissance des maux dont souffre le continent et de la responsabilité occidentale dans ces maux. Même dans les rapports frelatés de la Banque mondiale destinés à valider ses prescriptions économiques, l’Afrique est le seul continent dont les indicateurs de santé, d’éducation, de développement demeurent dramatiquement bas . La différence entre les deux catégories d’ « africanophiles » porte sur les solutions. Les premiers - souvent obnubilés par les fautes de l’Occident dont ils font un vecteur trop unique d’analyse - en concluent qu’il faut aider l’Afrique à s’en sortir. Les seconds considèrent l’aide comme le paravent de l’occidentalisation du monde et estiment que c’est précisément de cet impérialisme historique qu’il faut sortir. Le continent pourrait alors inventer des solutions qui lui sont propres aux maux qui le rongent.

Dans la lignée de la dernière catégorie d’« africanophiles », le présent ouvrage est animé d’une conviction : non seulement l’Afrique a droit, comme tous les autres continents, à sa propre parole mais, par sa situation de « dominée exemplaire », elle traduit mieux que tout autre la réalité du monde mondialisé, sa nature profonde imbibée d’inégalités et de violence multiforme...
En effet, depuis la chute des grands empires du Moyen Age africain, le continent noir subit largement l’histoire. « Subir » ne signifie pas que les Africains furent et demeurent des victimes passives et qu’ils ne portent aucune responsabilité dans la situation catastrophique qui est la leur aujourd’hui. Cette vision serait infantilisante...même si les colonisateurs et les pilleurs ont trouvé des relais locaux, il n’empêche que l’histoire du continent s’inscrit depuis des siècles dans le cadre d’une domination. L’Afrique noire a subi l’esclavage des Arabes ; elle a subi la traite transatlantique et la colonisation ; elle subit aujourd’hui le capitalisme - invention occidentale - dans lequel elle s’est inscrite, de manière plus ou moins consentante. Le modèle économique et la division internationale du travail qui en découle - imposé par les colonisateurs et aujourd’hui généralisé - a été conçu ailleurs, en Occident et étendu à partir de lui... »
Pour lire l'introduction en entier, cliquer ici.

Quel lien y a t-il entre la faillite de l'Afrique...et la faillite des banques occidentales?

En 1998 – il y a juste 10 ans – Serge Latouche, un des chefs de file du courant dit «anti-développementiste, analysait la situation en Afrique comme la faillite de « l'Afrique officielle », c'est à dire «...la faillite de l'économie moderne, du projet de développement et du fiasco de l'Etat-Nation mimétique, de l'Etat importé...on est en face d'un echec flagrant de l'occidentalisation comme projet économique, politique et social universel... » (S.Latouche-L'Autre Afrique - édit.Albin Michel 1998 p17 )...

La crise financière
– même si elle ne signe pas la « faillite » au sens propre du système capitaliste...est au moins une manifestation de faillite du système néolibéral...mis en place dans les années '70 et '80 du siècle dernier et devenu depuis 20 ans le modèle à suivre : Etats Unis, Grande Bretagne, Union Européenne, France...tous les hommes politiques de droite comme de gauche ont préché les louanges de l'économie de marché et du système néolibéral...en nous vantant les magnifiques réussites du dogme officiel...augmentation du PIB, multiplication des milliardaires, Boum de la bourse, Croissance exponentielle des chiffres d'affaires des Multinationales et des salaires de leurs PDG ; c'était la « Mondialisation heureuse »...pour reprendre l'expression d'un de ses chantres, le sieur Alain Minc.
La faillite des banques...ne serait elle pas la faillite du Système économique « Officiel »...celui qu'imposent depuis 30 ans à tous les Etats de la Planète...les IFI (Institutions financières Internationales) de Bretton Woods (Banque Mondiale, FMI...) ?

Anne-Cécile Robert, dans son essai cité ci dessus, analyse la « faillite de l'Afrique » comme symbole de la faillite de la mondialisation libérale : « L'Afrique, par la domination dont elle est victime et le décervelage qui lui est imposé, montre mieux que tout autre continent l'inanité du monde mondialisé autour des valeurs de l'Occident capitaliste.Elle s'y trouve embarquée malgré elle et largement contre elle-même. Pourtant le bilan désastreux de la mondialisation libérale - dont l'Afrique est l'expression la plus nette – devrait ouvrir les voies à une prise de conscience... » ( L'Afrique au secours de l'Occident – Editions de l'atelier – 2006 p 66).

Autre paradoxe de l'Afrique : L'Afrique est bien vivante !

Malgré les bulletins de santé économique et sociaux catastrophiques, l'Afrique est
peuplée par une population extrèmement dynamique, jeune, nombreuse...

S.Latouche énonçait ainsi ce paradoxe, en 1998, après avoir rappelé que « ce qui a fait naufrage en Afrique c'est le projet occidental...
« Et pourtant! Force est de constater que ce radeau africain à la dérive, pour dérisoire qu'il paraisse, porte environ 800 millions de personnes. Toutes ne sont pas des squelettes faméliques, des rescapés des camps de la mort.Toutes ne vivent pas de la charité internationale. La survie de cette planète noire, en supposant que n'y règne que la misère, est tout de même un problème théorique et pratique. Quiconque y reflechit de bonne foi ne peut manquer de s'interroger sur le mystère de cette survie. Ces naufragés du développement ne sont pas des indiens parqués dans une réserve que l'on conserverait comme les espèces en voie de disparition, à titre de témoignage d'un passé révolu... » Serge Latouche - L'Autre Afrique -(p 18-19).
Y'aurait il donc « une autre Afrique » derrière les statistiques de l'OMC, de la Banque Mondiale ou du FMI ?

NB : Cet article est une ébauche de réflexion sur les notions de développement, de progrès, de Richesse d'une nation etc...ainsi que le concept de civilisation occidentale...